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[ Portrait de Chef ] Jacques Genin

 

 

De l'envie, de l'amour et beaucoup de travail... Jacques Genin dévoile à Newtable son joli parcours pas comme les autres ainsi que de précieux conseils !



Titre de l'article Parlez-nous un peu de vous et votre parcours !

Je suis complètement autodidacte : je n’ai jamais eu de patron au-dessus de moi. De 13 ans et demi à 19 ans, j'ai commencé par travailler dans des abattoirs. Je suis ensuite arrivé à Paris en 1979, et j’ai testé différents boulots : serveur, maître d’hôtel etc. J’aimais bien le contact client, mais je voulais toucher au produit ! J’ai donc ouvert mon premier restaurant en tant que Chef, et l'ai dirigé pendant 23 ans. À la naissance de ma fille j’ai eu envie de faire autre chose, et je voulais qu’elle ait les plus beaux anniversaires ! Je me suis donc lancé en pâtisserie-chocolaterie. J’ai d’abord été Chef de la Maison du Chocolat pendant 4 ans puis j’ai ouvert mon propre établissement.

Quand est-ce que «Jacques Genin, Pâtissier et Chocolatier» a vu le jour ?

Tout a commencé en février 1996. J’ai d’abord ouvert un laboratoire où j’ai fourni pendant plus de 12 ans jusqu’à 200 restaurants étoilés Michelin, en réalisant les bonbons au chocolat, confiseries, nougats, pâtes de fruits et caramels. En 2007, j’ai découvert un endroit rue de Turenne (dans le 3ème arrondissement de Paris), et je me suis dit que c'était une belle opportunité que les particuliers découvrent mon travail et mes produits. Quatre ans après (en 2011) j’ai ouvert une seconde boutique rue de Varenne, dans le 7ème arrondissement cette fois-ci.

Comment définiriez-votre style en chocolaterie ?

Pour moi, je n’ai pas vraiment de style. Il y a surtout un produit, et derrière ce produit il y a des hommes. Je me dois de restituer ces produits du mieux que je peux. Je ne vais pas inventer des mélanges savants, car je crois que je ne sais pas faire. Je préfère rester sur la tradition et les bases du métier. Ce qui est important, c’est la saveur du produit, sa sensualité, et la joie qu'il procure au moment de le mettre en bouche.

Où est-ce que vous puisez votre inspiration pour vos créations ?

Je ne peux pas le dire exactement... J’ai écrit un livre sur le détournement du citron, et je me suis juste dit que j’avais envie d'écrire ce livre donc j’ai tenté le coup. Nous avons dans la tête une palette de saveurs, et elle nous aide à nous améliorer. Au fond de moi-même, je ne crois pas que l’on invente, aujourd’hui : tout existe ! On ne crée pas, on fait des mariages. La société fait que l’on travaille avec la mode : un produit va exister, être utilisé par les industriels, détesté s’il est mal utilisé, puis tomber dans l’oubli. Plus tard, des personnes - comme nous - allons lui rendre sa noblesse, et l’on va redécouvrir ce produit d’une autre manière... à l'instar de la pâte de fruit ! Personne n’aimait la pâte de fruit. C’était dur, pas bon, élastique, très sucré et pas assez fruité... Et pourtant j’ai réussi à prouver que l’on pouvait en faire un bon produit. Peu importe le produit à partir du moment où un produit est frais, c’est un produit d'excellence.

De tous vos produits, avez-vous un préféré ?

Non ! Car quand je me lève le matin, j'aime un produit suivant mon humeur. Je n’apprécie pas toujours le même produit (rires). Mon produit préféré est celui qui me fait plaisir ce jour-là, et le lendemain il change. Mon chocolat à la menthe par exemple, je l’aime beaucoup, mais d’un jour à l’autre je ne prendrai pas le même plaisir à le déguster.

Tout le monde connaît vos œufs peints en collaboration avec Corinne Jam, mais comment avez vous commencé cette collaboration ?

C’est assez simple ! Avant de travailler avec Corinne Jam, je travaillais déjà avec des couleurs créées à base de pigments de fleurs et de beurre de cacao. Je m’amusais à peindre le chocolat. Un jour, Corinne m'a dit qu’elle voulait essayer de travailler avec moi. Je lui ai donc dit que l’on pouvait faire une collection ensemble. Je lui ai montré comment je travaillais déjà les peintures et je l'ai laissée faire le reste. Cela s’est fait naturellement et la collaboration dure car nous savons nous écouter. Elle me présente ses dessins, ce qu’elle ressent et si je ressens la même chose : on fonce. Il faut savoir travailler en équipe car tout seul, on n'avance pas. Surtout dans l’artisanat.

Quels sont les points importants dans ces métiers d'artisanat selon vous ?

Il faut savoir travailler en équipe, et savoir refaire la même chose encore et encore... pendant des heures. Pour avoir un résultat dans notre métier, peu importent les prix, les concours, les émissions TV : si on ne s’est pas entraînés à faire l’assiette 10 000 fois, on ne sait pas la faire. Nous avons des métiers de répétition, et à force de répéter, on va plus vite, on expérimente, des idées viennent et on peut créer encore plus. En pâtisserie, en chocolaterie ou en confiserie, il y a également beaucoup de technique. À Paris, même si les pâtisseries ont les mêmes recettes de base, la qualité dépend des techniques utilisées et des produits : je refuse de congeler par exemple, car - selon moi - la congélation abîme le produit, donc je ne travaille qu'avec des éléments frais.

Quel regard portez-vous sur la chocolaterie aujourd'hui ?

Nous avons beaucoup de chance en France et surtout à Paris, car le domaine de la chocolaterie s'est ouvert depuis quelques années. Il est possible de déguster une variété de vrais bons produits à un prix correct. Ce que je trouve fabuleux, c'est que la chocolaterie et la confiserie sont devenues une consommation courante. Même si cela reste relativement onéreux, les gens apprécient les bonnes choses et acceptent de mettre le prix. Ils comprennent l'importance de bien manger : c'est valable pour le chocolat, mais aussi pour le vin, la viande, les produits issus de l'agriculture etc.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui veulent se lancer dans le métier ?

Ce que je conseille aujourd'hui, c'est l'envie ! C'est important de se faire plaisir, et de vouloir faire plaisir. Il faut se l'avouer, nous faisons un peu ce métier par égoïsme, car nous avons tous un besoin de reconnaissance. Et ces métiers servent à ça car on peut avoir un retour très rapide sur son travail. Sinon vous connaissez quelqu'un qui serait prêt à faire entre 16h et 18h de travail par jour, 7 jours sur 7 ? Sans cette générosité, cette envie de faire plaisir, c'est difficile de continuer. Il ne faut pas oublier de rester simple, de partager, et surtout, surtout, ne pas me parler de passion, mais d'amour ! La passion c'est le déraisonnement de l'individu, on va droit dans le mur. À partir du moment où vous aimez ce que vous faites, vous avez le recul nécessaire pour aller beaucoup plus loin.

Selon vous, il y a-t-il une prochaine tendance en chocolaterie ?

Selon moi, il est difficile de parler de tendance quand on travaille un produit frais. Parler de tendance, c'est parler de décor, parler de beauté, d'un geste, mais au final le "wahou" se réalise lorsqu'on déguste le produit, et c'est le plus important. La crise que nous vivons actuellement nous force à retourner auprès de nos petits producteurs, nos commerçants locaux, vers les produits frais, sains et simples. À cause de l'industrialisation, nous avons oublié le plus important : ce que la nature a à nous offrir. Pourtant, les produits travaillés avec un bon savoir-faire sont délicieux, et j'espère que les gens n'oublieront pas ce qui est bon, même quand cette crise sera passée.

À propos de cette crise, le secteur de la food est particulièrement touché. Comment envisagez-vous la fin du confinement ?

Il va falloir que l'on apprenne d'autres gestes, à travailler différemment, et repenser nos commerces. Selon moi, on va devoir lutter pendant un à deux ans le temps de se reconstruire et que le tourisme revienne, notamment à Paris. Ce sera un nouveau fonctionnement car c'était naturel d'aller boire un café, aller s'accouder au comptoir... Nous avons pris tout cela pour acquis, et maintenant nous nous rendons compte à quel point c'est précieux. Je pense aussi que la solidarité sera plus forte en sortant de cette crise. J'ai fait le choix de fermer le 13 mars au soir, pour éviter tous les risques pour mes employés, clients et moi-même, car il y a des choses qui passent avant l'argent. J'ai également fait le choix de donner toute ma production de chocolats de Pâques à ceux qui nous sauvent en ce moment (le personnel soignant). J'aurais pu ouvrir à Pâques, mais je pense qu'il faut se poser les bonnes questions. Bien sûr que la suite va être difficile, pour tout le monde d'ailleurs, mais en attendant d'anticiper cette suite, j'aime vivre avant tout. On verra pour l'après !

Et vous, que faites-vous pendant ce confinement ?

Comme tout le monde je lis, je regarde beaucoup de documentaires sur ARTE, et des films. Le temps est un peu long, je n'ai pas pris de vacances ou de jour de repos depuis 11 ans, alors là je me repose réellement, et je commence enfin à m'intéresser aux réseaux sociaux (rires) ! Ça ne change rien de se rendre malade, on ne peut rien faire de plus. Bientôt nous allons nous en sortir, nous retournerons au travail ensemble, et je pense que certains se rendront compte de la chance que l'on a de vivre !

Quand les restaurants ré-ouvriront peu à peu, où irez-vous manger à Paris ?

Je pense que j'irai au restaurant Table (Paris 12ème) de Bruno Verjus, à l'Arpège (Paris 7ème) d'Alain Passard et chez Pierre Gagnaire (Paris 8ème)... qui sont tous mes amis très proches. On se réunira pour partager un bon repas et passer un bon moment ensemble !

Pour conclure l'interview, quelques questions auxquelles il faut répondre du tac au tac !

Un livre de chevet ? Camille Claudel
Un film/documentaire ? Le documentaire sur Notre-Dame
Une destination ? Le Vietnam
Une envie sucrée ? Le chocolat à la menthe

Cette jolie interview se termine avec une grosse envie de bons chocolats, pas vrai ?
Retrouvez l'univers de Jacques Genin et ses adresses parisiennes sur son site jacquesgenin.fr
133 rue de Turenne, Paris 3ème
27 rue de Varenne, Paris 7ème


Merci à la complicité de l'agence 14 Septembre pour ce beau portrait !


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