Après un apprentissage en pâtisserie complétée d'expériences variées (traiteur, charcuterie, boucherie) Marc Favier se tourne vers ce qu’il aime vraiment : la restauration. Plusieurs saisons dans les cuisines de divers restaurants corses ont rapidement confirmé son envie d'ouvrir son propre établissement.
Avec sa femme Aurélie, le Chef monte à Paris en 2004 et intègre Les Ambassadeurs** situé au sein de l’Hôtel du Crillon
(Paris 8) aux côtés Jean-François Piège jusqu’en 2007. Il évolue pendant ces trois ans et devient chef de partie viande dont la spécialité s'avère les sauces. Il rejoint ensuite le Pré Catelan***
(Paris 16) mené par Frédéric Anton. Après seulement un an, Jean-François Piège le rappelle pour qu'il devienne son second et pour qu'il participe à son futur projet : l'ouverture de l’Hôtel Thoumieux et de son restaurant étoilé, où il deviendra chef exécutif.
En janvier 2014, Marc Favier décide enfin de s'installer à son compte avec sa femme. Ensemble, ils reprennent Bouillon
(Paris 9). Au bout de 4 ans, une envie de changement les pousse vers d’autres horizons. Ils ouvrent alors Marcore, rue des Panoramas en 2019 et décrochent leur première étoile au Guide Michelin 2020.
Comment avez-vous choisi l'adresse de Marcore ?
Cela s’est fait très rapidement. Nous avions un cahier des charges précis pour trouver un beau lieu doté d'un charme particulier au centre de Paris. Nous n’avons visité que l'adresse qui est devenu Marcore : une évidence ! Nous avons vendu Bouillon et commencé les travaux afin d'ouvrir en mars 2019.
Pouvez-vous m’en dire un peu plus sur votre restaurant ?
A Bouillon, nous proposions un peu tous les types de gastronomie dans une seule et même carte... L’avantage de Marcore, c’est qu’il s’étend sur deux étages. Avec une cuisine à chaque étage, cela nous permet de proposer deux cuisines distinctes. Ainsi, nous reprenons les succès de Bouillon et nous les proposons à l’étage qui leur correspond. Par exemple, les croquettes de brandade de Morue sont servies au rez-de-chaussée et les ris de veau, à l’étage ! Le client choisit le type de cuisine qu’il souhaite déguster et profite d’un espace confortable grâce à un nombre de tables réduit et de bonnes assises.
Comment gérez-vous les deux cuisines ?
Nous avons deux brigades distinctes, donc tout en double (rires) ! Pour les commandes, je concerte mon adjoint et une brigade peut dépanner l’autre s’il y a un produit manquant. Nous communiquons énormément, la cohésion d’équipe est très importante et très agréable au quotidien.
Comment définiriez-vous votre style de cuisine de Marcore ?
Franco-français (rires) ! J’aime la culture culinaire française, je ne veux pas participer à sa perte donc je la retravaille de manière moderne. Par exemplel, la blanquette de veau n'est pas exécutée comme nous l'avons appris à l’école : nous limitons la matière grasse et la cuisons dans un bouillon très parfumé pour éviter de trop crémer et d’ajouter des ingrédients ensuite jetés. Nous perpétuons la tradition tout en l’actualisant pour la moderniser !
Avez-vous un plat préféré dans votre carte ?
Je ne parlerais pas de favoris mais plus d’envies. Je réfléchis beaucoup aux envies que j’ai. Lorsque j’ai faim, je veux savoir de quoi j’ai faim. Je pense que je me nourris mieux ainsi car cela permet de cultiver l’envie. Pendant le début du confinement, il faisait assez froid, ça m’a donné envie d’un lapin à la moutarde : alors je l’ai cuisiné ! Selon moi, lorsqu’on choisit un plat préféré, on en bannit un autre. Je suis de nature très gourmande donc je préfère fonctionner à l’envie plutôt que de me limiter à n’en choisir qu’un seul.
Comment procédez vous pour renouveler votre carte ?
La première chose à prendre en compte est la saisonnalité des produits. Ensuite c’est une question d’envie selon les commandes et les discussions avec les producteurs. Je communique aussi beaucoup avec mon adjoint lorsque nous souhaitons changer et remplacer un plat de la carte. Le fil conducteur reste invariablement le même : nous réfléchissons toujours en équipe et chacun donne son avis et s’implique. Pour réussir les recettes de Marcore, il faut pouvoir les comprendre afin de leur donner une d’âme. C’est parfois difficile avec les nouveaux arrivants, mais une fois qu’ils ont intégré la démarche, ça va tout seul !
Quel est le produit que vous préférez travailler ?
L'oeuf : il peut être facilement être négligé or il est à la base de beaucoup de chose. En lui-même l’oeuf est bon. C’est rare de rencontrer une personne qui n’aime pas l'oeuf, il y a tellement de manières de le cuisiner !
La première chose que j’ai faite en ouvrant
Bouillon, c’est trouver un bon oeuf de ferme à Paris. Lors d'un weekend chez l'oncle de ma femme, ce dernier m'a avoué « tous les matins je me régale, je vais chercher mes oeufs au poulailler, tu verrais comme les jaunes sont beaux, c’est magnifique ». Il me les a montrés et en effet, ça n’avait rien à voir ! J'avais appris à cuisiner avec des oeufs de batterie car nous ne faisions pas attention. J'ai donc demandé à mes producteurs et fournisseurs s’ils pouvaient m'obtenir des oeufs de ferme, mais il n’y en avait pas... J’ai finalement réussi à en avoir grâce à
Terroirs d’Avenir.
Quel est votre moment favoris dans la préparation d’un plat : la création, la préparation, le dressage ou la dégustation ?
Je dirais la création des plats avec mon équipe, fruit de la réflexion collective et bien sûr la dégustation des clients. Tout est lié car lorsque l’on cuisine avec l’âme, le client le ressent.
Je n’ai pas de moment préféré dans une journée car ce métier est un régal. Travailler de bons produits avec des gens que l’on apprécie, pour des clients que l’on fidélise et qui aiment revenir : ça n’a pas de prix. Discuter avec son équipe de ses idées et les tester le lendemain reste toujours un plaisir. Rater est également une bonne chose car cela nous permet d'avancer. Enfin, faire goûter aux clients nos créations, qu’ils les aiment ou pas, est un aboutissement.
Pierre Gagnaire a dit
« un plat n’est aboutit que lorsqu’il sort de la carte. » et je trouve ça très juste. Lorsque nous construisons un plat, le retour client est important. Il faut l’utiliser à bon escient pour ajuster les détails. Une fois que nous remplaçons le plat par un autre, nous pouvons enfin nous dire que "oui, c’était un beau plat".
Quel regard portez-vous sur le métier aujourd’hui ?
Je trouve que l’on revient énormément à l’essentiel, mais que
la normalité devient exceptionnelle. En effet, aujourd’hui tout est sujet à communication, mêmes les pratiques les plus normales.
Par exemple, ne pas jeter en cuisine les épluchures, les carcasses et autres déchets alimentaires est une chose que l'on m'a inculquée depuis mes 15 ans... c'est donc devenu un automatisme pour moi. Je ne vais donc pas revendiquer le fait de ne pas jeter. Pourtant, certains restaurants utilisent cette démarche comme base de communication pour montrer qu’ils font bien les choses. C’est valable pour d’autres sujets tels que se fournir en circuit court, connaître les produits que l’on prépare, utiliser des produits frais… Tout ceci est normal pour moi car j’ai toujours fonctionné comme ça.
Il est vrai qu'à un moment donné, certains restaurateurs se sont égarés. Aujourd'hui nous retournons à l’essentiel en « cuisinant locavore » par exemple, mais c’est quelque chose d’évident. Avec le confinement, j’ai vu que beaucoup se tournaient à nouveau vers les petits commerçants pour retrouver le plaisir des bons produits, c’est une bonne chose. J'espère simplement que cela va durer.
Quel conseil pourriez-vous donner à ceux qui veulent se lancer dans l’ouverture de leur restaurant ?
Être prêt psychologiquement. Ouvrir un restaurant ce n’est pas devenir chef et cuisiner ce que l'on veut. Il faut un mental d’acier car l’envers du décor est complexe. Mais l’échange humain entre les clients, les cuisiniers et le personnel de la salle est précieux. La notion de partage domine et doit rester dominante. Depuis que nous avons ouvert notre premier restaurant, nous échangeons beaucoup avec d’anciens collègues, qui ont ouvert leurs propres établissements, et nous nous rendons compte qu’il n’y a pas de mode d’emploi. Il faudrait peut-être inventer un guide pour les nouveaux restaurateurs car après avoir franchi une étape, il y en a toujours une autre derrière encore inconnue… À peine ouvert nous sommes déjà épuisés !
Quelle est votre dernière expérience culinaire marquante à Paris ?
Malheureusement je manque de temps pour aller au restaurant, mais ce qui m’a marqué récemment, c’est le baba au rhum de chez Stohrer
(Paris 2ème).
Comme d’habitude, voici quelques questions auxquelles répondre du tac au tac :
Une envie salée ? Un plat du dimanche de ma maman.
Un livre de chevet ? Les polars de Micheal Connely.
Une personne qui vous inspire ? Ma femme. Elle a un franc-parlé, un palais aiguisé et elle m’aide beaucoup.
Une philosophie ? Toujours se remettre en question et ne jamais rester sur ses acquis, c’est primordial.
Une destination ? Un vignoble français, pour la culture culinaire qui varie d’une région à une autre... il y a toujours énormément à découvrir.
Découvrez l’univers du Chef Marc Favier sur le site de son restaurant Marcore : marcore-paris.com
Merci à l’agence
14 Septembre pour ce beau portrait !